mardi 15 juin 2010

Mirage et vague de chaleur


En quittant Elafonissi et ses eaux turquoises, je ne réalisais pas tout à fait que débutait une sévère vague de chaleur. Quelques jours plus tard, en arrivant au restaurant à 21h, le thermomètre de ma montre indiquait 30°C. A 22h30, 31°C ; à minuit 32°C : où va-t-on s'arrêter ?! Une bonne raison pour poser le vélo quelques jours - pas bon pour la moyenne ! - et prendre pension sous un arbre à quelques mètres de la mer, le meilleur climatiseur qui soit.

A Elafonissi, donc, une île qu'on gagne depuis la terre avec de l'eau pas plus haut que les genoux, il n'y a pas d'eau potable. Allais-je devoir déroger à la règle que je m'impose : ne jamais acheter une bouteille d'eau ? Alors que je questionnais un caravanier, le soir, sur le camping sauvage qui semble installé là de longue date en dehors de tout droit, celui-ci me sauva en m'offrant le plein, à partir des jerricans qu'il avait ramenés en nombre. Mais, le lendemain, avant de prendre la route, une piste avec 700m de dénivellée, en plein soleil, pour rejoindre Paleochora, j'étais un peu à sec et l'esprit tiraillé. Je décidais de remplir une gourde de l'eau des douches, ramenée là par camion citerne, et à la potabilité douteuse, et d'espérer que le reste d'eau de mon caravanier me suffirait. Mais les premières pentes renforçaient mes doutes, surtout que je commençais par prendre une fausse piste au milieu des serres. Et c'est là qu'apparaît devant moi - est-ce un mirage ?! - une palette complète de petites bouteilles d'eau de source, éventrée en plein soleil. L'eau est presque bouillante, mais je ne peux cracher sur cette source miraculeuse. J'embarque 4 bouteilles et rend mon eau de douche à la nature. Ces provisions n'auront pas été inutiles. La piste a de sérieux raidillons, des passages ravinés, et c'est un four. Une bataille que je termine au bout de 2 heures en ayant épuisé l'eau miraculeuse.

lundi 14 juin 2010

la nuit où tout a basculé


En réalité, seul le vélo et son bagage ont basculé, sans le pilote, mais pour le cyclo-voyageur, c'est tout !

A Kambos, une petite gorge mène à la mer et, sur les indications de la patronne du bar-épicerie de la place, j'avais estimé pourvoir faire l'aller-retour avant la nuit. Et effectivement, j'étais de retour à la nuit tombante. Je devais avoir une boite de sauce tomate d'ouverte, donc popote sur la place où, à part le son d'un joli film africain épisodiquement interrompu par le match de coupe du monde du moment, on ne pouvait noter que quelques rares passages de voitures.

Mon coucher sous un arbre, juste en retrait de la place, est retardé par 2 voitures de Hollandais cherchant leur location à cette heure tardive. Quelques mouvements de voitures sur la place hâchent encore mon endormissement. Et quelques moustiques... Un bruit sourd, comme un gros sac poubelle qu'on aurait jeté là-haut. Finalement, je décide de monter la tente pour m'isoler des quelques moustiques et de cet univers un peu plus agité que prévu. Je remonte à mon vélo, laissé sur la place à l'emplacement du dîner, pour chercher mes piquets de tente. Et là, plus rien - suis-je bien réveillé ?!- ! Ou plutôt, mon compteur de vélo, un bout de câble et quelques débris par terre ! Rien à l'horizon sur la place. Je jète un regard par dessus le muret de la place qui domine une oliveraie et le départ de mon chemin de la veille vers la gorge. Et je vois, 5 mètres plus bas, étalé sur des branchages, mon équipage ! Je constate que les saccoches arrière ont été défaites avant d'être jetées par dessus bord. La selle n'est plus là. Mais je la retrouve. Les bidons manquent. Ils ont roulé un peu plus bas. Le couvercle de l'un s'est enlevé, mais il n'est pas loin. Finalement, ne manque que mon sandow et, avec un peu de chance, jour aidant, il répondra aussi présent.

Je rassemble tout cela près de ma tente et cherche à éloigner la vision de ce vélo d'abord disparu, puis gisant, pour trouver le sommeil.

Je constate au matin qu'une roue est voilée et me mets à la tâche de la redresser. Le porte-bagages avant a aussi glissé sous le choc et le poids de ses saccoches. Une bonne heure au bout de laquelle le préjudice ne s'élève qu'à un compteur - il me faudra rouler "pour rien" un temps !-, peut-être réparable au fer à souder, et une poignée de frein qui restera tordue.

Je tente d'expliquer ce qui s'est passé à mon aubergiste de la veille qui ne parle que le grec et n'arrive pas à intégrer la scène surréaliste que je lui mime. Elle arrête une connaissance qui passe en voiture pour faire la traduction. Toute retournée et chagrinée pour moi, elle me tend une banane en guise de réconfort alors que je reprends la route !

En réalité, j'avais passé 45 premiers jours sans aucun souci, abandonnant pendant des heures vélo et chargement au beau milieu de places publiques, près de chapelles, ou à l'abri (relatif) des regards. Et absolument rien ne s'était passé. Mais, là, en Crète, c'était le début de quelques incidents. 3 jours plus tard, alors que je m'étais installé au pied d'une maison inhabitée à 2 pas du rivage, puis sur son balcon d'entrée, je me fais réceptionner le troisième soir par le propriétaire voisin qui, d'abord en grec, puis consentant à utiliser l'anglais, m'intime l'ordre d'aller vers lui, puis de lui remettre mon passeport - de quel droit ?! - m'accuse de vouloir voler - alors que la maison est probablement vide et que, de toute évidence, je n'y suis pas entré - et mettre le feu... Un sale accueil que je subis pacifiquement en repliant mon campement.

Après une nuit à la sauvette dans le camping du lieu, je reviens questionner un campeur près de l'endroit dont je me suis fait expulser pour me retrouver une place. Il me conseille un arbre à 30 mètres de lui, dans lequel une cachette a été construite et où se trouvent encore tasseaux et bache plastique, et qui a été utilisée pendant un bon moment sans problème. L'endroit est invisible des passants susceptibles de le longer à 3 mètres. Et voilà qu'après une nuit tranquille, et de retour à mon arbre le soir, je constate que mes affaires ont été fouillées, et après examen de ce qui a été sorti, et de ma mémoire, que mes jumelles, un monoculaire en fait, a été emporté. Comment quelqu'un a-t-il pu détecter aussi rapidement ma présence invisible ? Et comment ne peut-il trouver que mon monoculaire de valable à emporter ? Pour la première question, je ne peux m'empêcher de soupçonner mon campeur conseilleur de l'endroit.

Une dizaine de jours tranquilles, et alors que j'avais trouvé un joli endroit pour me poser dans la ville de la Canée (Chania), à quelques kilomètres du centre, après des nuits un peu sordides sur une sorte de toit, entouré de ventilateurs de climatiseurs n'arrêtant pas de s'arrêter et de redémarrer, c'est bercé par le ressac, sous un petit abri équipant non pas une plage mais comme un quai le long d'un bassin aménagé pour la nage en bord de mer, avec cabine pour se changer et douche, que je m'endors tranquillement. Pris d'une petite fringale vers 3 heures du matin, je me lève pour chercher des biscuits dans mes saccoches laissées sur le vélo posé contre l'abri, à 3 mètres de moi. Les saccoches arrière ne sont plus là ! Je les retrouve à une vingtaine de mètres de là. Fouillées mais re-rangées. Un inventaire me révèle quelques absents : mon rasoir électrique, le chargeur de mon portable (sans doute pris pour l'alimentation du rasoir !), et une enveloppe contenant différents papiers dont mon permis de conduire (pas totalement indispensable à vélo), une carte de crédit (j'en ai emporté 3 : je ne suis pas à la disette) et différents papiers sans valeur pour le voleur. Voilà comment mon camping de rêve à la Canée s'est envolé ! Retour entre les climatiseurs !

Alors, est-ce la Crète, la chaleur, la fréquentation en hausse ? Il semblerait qu'il va falloir être plus méfiant. Même si ma stratégie - ne rien emporter de valeur pour ne pas tenter et moins pleurer si ça s'envole, avoir plusieurs cartes de crédit, dormir avec le portefeuille, l'appareil photos et 3 autres bricoles - a parfaitement fonctionné jusque là. Le reste, ce sont les risques du métier !

vendredi 4 juin 2010

Antikithira (un jour à...)


Déjà, à Cythère (Kithira), nous avions changé de paradigme. Signe évident : il n'y avait presque plus de camping-cars alors que ceux-ci pullulaient dans le Péloponnèse. Ici, l'espèce endémique, c'était la micro-voiture de location. Et c'est là qu'on se rend compte de la richesse du marché des micro-voitures !

A Antikithira, un pas supplémentaire est franchi : il n'y a plus de touriste. Il n'y a d'ailleurs presque plus personne. Comme nombre d'îles grecques qui étaient peuplées de centaines ou milliers d'habitants il y a quelques siècles, ils ne sont plus que quelques dizaines, vieillissants, à Antikithira. Version marine de l'exode rural et de la désertification. Les écoles ferment et la vie se concentre dans le café-épicerie-poste... du village. Avec un regain de vie en été quand les exilés reviennent sur la terre de leurs ancêtres pour quelques semaines.

La vie est rythmée par le passage du ferry entre le Pirée ou Gythio et la Crète. 2 passages dans chaque sens sur 48 heures. Pour le touriste en transit entre Cythère et la Crète, il n'y a que 2 options : rester 1 ou 8 jours. Arrivé à 2 heures du matin (2 heures de retard pour cause de blocage du port du Pirée par les pêcheurs : peut-être une des seules conséquences directes de la crise grecque sur moi), et aussitôt couché près des bateaux de pêche sur le port, j'ai juste eu le temps de sillonner presque toutes les routes et pistes de l'île pour être à 19.30 au port pour rembarquer. Gare à la crevaison de dernière heure. Pénalité de retard : 1semaine !

mardi 1 juin 2010

2000 !


Les crevaisons n'ont pas refroidi mon ardeur exploratrice ! J'ai juste dû renoncer au ferry du surlendemain après la journée de l'horreur ("crevaison mal placée") pour ne pas rester sur cette expérience éprouvante et voir quelque chose de cette île. Et comme il n'y a, grosso modo, qu'un ferry par semaine, c'est donc une semaine que j'ai passée à Cythère ! Un laps de temps qui s'est révélé insuffisant pour épuiser la découverte d'une île qui ne fait pourtant qu'une quarantaine de kilomètres de long et qui, sans forcément avoir d'attraits immédiats évidents, sait ensorceler ceux qui la visitent. Beaucoup y sont pour plusieurs semaines, et peu pour la première fois (Bonjour à Jean-Louis et Elisabeth, les dauphins de Kapsali !).
De piste en piste, et de crevaison en crevaison, c'est finalement sur la fin de mon séjour à Cythère que j'ai franchi la barre des 2000 kilomètres ! Youpie, ça commence à faire sérieux !